Une fois téléchargée sur le téléphone portable, QuiviveAPP permet d’enregistrer sur commande des boucles sonores. Si une agression survient, cet assistant électronique mis au point par une start-up bretonne en apporte la preuve auprès de la Justice.
Injures raciales,
harcèlement de rue, racket devant un établissement scolaire… En l’absence de témoins directs, il n’est pas toujours simple d’apporter la preuve de ce que l’on vient de subir. Une situation qui, bien souvent, décourage les victimes de se rendre au commissariat pour porter plainte et obtenir réparation.
Face à ce constat, Jean-Philippe Tible, entrepreneur breton installé à Ploufragan (Côtes-d’Armor), a eu l’idée de créer l’application
QuiviveAPP en février 2021. « J’ai eu une carrière de directeur commercial dans le secteur de la sécurité pendant de longues années, explique-t-il. J’étais révolté par l’idée que beaucoup de gens se fassent agresser et que leurs agresseurs restent impunis. C’est comme ça que l’idée m’est venue.
On connaît tous quelqu’un qui subit (ou a subi) des violences verbales du fait de son sexe, de sa couleur de peau ou de son orientation sexuelle. Mon objectif : aider un maximum d’individus à gagner en sérénité et ne plus rester impuissant. »
Des boucles sonores enregistrées automatiquement
L’application Quivive
APP se déclenche sur des plages horaires préalablement programmées et enregistre l’environnement sonore. « Par exemple,
vous pouvez paramétrer l’application pour qu’elle se mette en marche au moment où vous prenez les transports en commun, quand vous vous rendez à votre travail ou lorsque vous faites un trajet à pied dans la rue. »
Grâce à une mémoire « tampon », des boucles sonores de vingt minutes sont enregistrées (elles ne sont que de dix minutes dans la version gratuite), s’effacent et se renouvellent automatiquement. Néanmoins, si une agression survient, le propriétaire du téléphone n’a qu’à appuyer sur le bouton « sauvegarder » dans la minute qui suit pour que les vingt minutes précédentes soient enregistrées et conservées.
L’enregistrement : une preuve recevable en droit pénal
Du point de vue de la loi, l’enregistrement sonore – même s’il est clandestin, c’est-à-dire réalisé à l’insu de la personne enregistrée – constitue un mode de preuve recevable en droit pénal. Au nom du principe de « liberté de la preuve », contenu dans
l’article 427 du code de procédure pénale, les infractions peuvent en effet être établies par tout mode de preuve et le juge décide d’après son intime conviction. La loi exige néanmoins que ces enregistrements soient débattus contradictoirement entre les parties.
Rappelons que
l’injure raciale est passible d’une sanction pénale. Lorsqu’elle est publique (prononcée en pleine rue par exemple), l’auteur risque jusqu’à six mois de prison et 22 500 € d’amende. De même, la loi Schiappa du 3 août 2018 instaure une nouvelle infraction : l’outrage sexiste. Celui-ci punit le harcèlement de rue d’une amende de 750 €.
Des éléments tangibles pour « remonter » jusqu’à l’agresseur
En outre, Quivive
APP peut être utile à la Police dans le cadre d’une enquête pour confondre un agresseur. L’application enregistré en effet des « datas technologiques ». Les bornes wifi, les périphériques Bluetooth et les antennes-relais fournissent, par exemple, des informations que le téléphone garde en mémoire.
Un moyen de « remonter » plus facilement jusqu’à l’auteur des faits.
À ce jour, Quivive
APP comptabilise
près de 2000 téléchargements et vise des profils d’utilisateurs variés : une femme victime de harcèlement de rue qui cherche à mieux se protéger, un jeune victime de racket devant son établissement scolaire… Le tout en assurant un respect de la vie privée des utilisateurs, via la mise en place des solutions sécurisées : cryptage des données et sécurisation d’accès.
Combien ça coûte ?
Une version gratuite de l’application existe depuis décembre 2020. Celle-ci enregistre des boucles sonores de dix minutes sans les datas technologiques. La version payante, lancée début 2021, enregistre quant à elle des boucles de vingt minutes et les datas technologiques.
« Aujourd’hui, nous avons deux cibles privilégiées pour développer notre produit, précise Jean-Philippe Tible : le grand public mais également les entreprises dans le cadre de la Responsabilité sociétale des entreprises (RSE) en interne ou qui pourraient proposer l’application à leurs clients en guise d’outil de sérénité complémentaire. Par exemple, vous devez signer un constat amiable en cas d’accident de la route, mais la personne en face de vous ne veut pas signer, la situation dégénère et vous faites l’objet d’une agression verbale ou de menaces. Quivive
APP permet, là encore, d’en apporter la preuve. »
À noter qu’une version en anglais est également disponible.
· EMILIE GILMER
· CRÉDIT PHOTO : GETTY IMAGES